(c) 1997 -- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français -- Éditions de l'Atelier.
DALLIDET Arthur, Auguste dit NEMROD, dit ÉMILE puis MAX dans la clandestinité.
Né le
12 octobre 1906 à Nantes (Loire-Inférieure) :
fusillé par les Allemands le 30 mai 1942 au
Mont-Valérien ; ouvrier métallurgiste ;
dirigeant communiste et syndicaliste des usines Renault ; adjoint
de Maurice Tréand responsable aux cadres du PCF ;
clandestin après la dissolution du PCF le 26 septembre
1939, il devint responsable national aux cadres du Parti illégal.
Le père d'Arthur
Dallidet était ajusteur et avait travaillé seize ans aux
Chantiers de la Loire à Nantes, il était chômeur en
1933 ;sa mère travaillait dans les usines de conserves
Cassegrain à Saint-Sébastien-sur-Loire. Ils
étaient sympathisants du PC, le père ayant
été syndiqué unitaire. « J'ai
été élevé, disait-il dans son
autobiographie du 25 décembre 1933, dans la haine du
curé, du flic et de l'armée ». Il reprochait
pourtant à son père qui lisait l'Humanité assez
régulièrement en 1924-27 de n'avoir rien fait pour lui en
faire comprendre le contenu. Élève à
l'école primaire jusqu'à l'âge de treize ans il
avait obtenu à douze ans son CEP Le maître d'école
lui trouva une place le 17 juillet 1919 dans une entreprise de
Nantes pour devenir dessinateur mais il la quitta en juillet 1921, la
vie de bureau ne lui convenant pas. Il entra alors comme apprenti
chaudronnier, avec 8 heures par semaine de cours professionnels,
aux Chantiers de la Loire où, pendant trois ans, on lui
promettait un « bel avenir » comme agent de
maîtrise, tout en le payant de 0,30 à 0,80 F de
l'heure ! Sorti n° 2 de l'apprentissage, il se vit offrir
1,30 F et quitta les Chantiers en juillet 1924.
Jusque 1928, il fut
employé aux Batignolles à Saint-Joseph avec un salaire
horaire croissant de 3,40 à 4,20 F. Pendant la
période 1924-26, il s'abonna au sport cycliste dans des clubs
dont deux affiliés à la FST. Mais il fut blessé
à la jambe et à la face dans un grave accident lors d'une
course, le 26 septembre 1926, ce qui eut pour effet sa
réforme définitive au moment du service militaire.
A. Dallidet quitta la
région nantaise, arriva à Paris le 1er avril 1928
avec trois amis avec lesquels il habita à Billancourt et se fit
embaucher dès le lendemain à l'usine O chez Renault pour
6,80 F de l'heure. Il en fut renvoyé deux mois après
le 29 mai à la suite d'une bagarre où il avait pris
la défense d'un jeune, Raymond Piquet avec qui il resta en
relation, au moins jusque 1934. Il connut alors, jusque juillet 1930,
une série de « boîtes » d'où
il fut souvent renvoyé : Citroën, Gallois à
Meudon, Farman, de nouveau Renault (renvois les 25 février
1929 et 4 février 1930). Ces différentes embauches
lui avaient permis de connaître l'atelier 155 (montage des
caissons, Île Seguin, montage tourisme), l'atelier 112
(tôlerie et montage, carrosserie de luxe, usine O) et l'atelier
172 (capots, passage de roues, emboutissage à chaud).
Entre temps, le
9 avril 1929, il s'était marié à Nantes avec
une amie d'enfance, Juliette Parisot, fille d'un ouvrier à
l'hôpital militaire de Nantes. Elle mourut la même
année, le 26 décembre, quinze jours après la
naissance d'un fils qui fut mis en nourrice chez sa soeur à
Nantes. Il dut travailler beaucoup pour payer la pension (250 F
par mois) dans diverses usines de la région parisienne. Il se
remaria plus tard avec Entka K(?), une communiste lithuanienne qui
était membre du comité de rayon des 1er, 2e et 9e arrt.
Mais c'était un mariage « blanc », il
vivait seul étant « un peu sauvage » et ne
voyant son épouse, employée sténodactylo dans les
Assurances puis, plus tard, à la Maison de la Chimie, que dans
les réunions du PC.
Arthur Dallidet quitta
l'entreprise Gallois en juillet 1930 pour entrer chez Sulzer à
Saint-Denis, au salaire horaire de 7,60 puis 9 F et, en faisant
des déplacements, il arrivait à gagner 105 F par
jour ce qui permettait de payer la pension de son fils et même de
faire des économies qui s'élevaient en 1933 à
14 000 F. C'est pendant cette période qu'il s'engagea
dans l'activité militante, avec quelques difficultés,
dont il se plaignit, pour adhérer. Il avait demandé
dès 1930 par trois fois son adhésion aux JC sans suite et
deux fois son adhésion au parti qui fut acquise en mai 1932. Un
camarade lui avait donné l'adresse d'un cercle marxiste qui se
tenait chez un dentiste nommé Astouin, rue de la Chapelle. C'est
ce dernier qui le fit adhérer à la cellule
n° 843 à la Goutte d'Or dans le 18e arrt. Il
suivit dans ce cercle cinq mois de cours. Mais, précisait-il, il
adhéra « pour les buts finaux, non pour les
revendications immédiates ». En 1933, il devint
secrétaire de sa cellule et en créa une à
l'entreprise Sulzer où il recruta cinq membres, ainsi qu'une
section syndicale d'une vingtaine d'adhérents. Il s'occupa des
Comités de chômeurs du 18e arrt. et assura des prises
de parole dans des assemblées de chômeurs, marches de la
faim et à l'occasion du Procès de Leipzig. Il
approfondissait sa culture politique en participant à une
école régionale du parti et à quelques cours
à l'Université ouvrière. Dans ses
déplacements il gardait les contacts avec son parti puisque
après ceux de Saint-Nazaire (en juillet 1931) et Lorient (mars
1932) il commença à envoyer des papiers à
l'Humanité. Lors de son déplacement de novembre 1932
à janvier 1933 à Cherbourg il assista aux réunions
de cellule de l'Arsenal et à celui du 15 janvier au
15 février 1933 à Martigues, il entra sur avis de
Duisabou en rapport avec Mouton de Marseille. Mais son militantisme le
fit licencier le 8 juin de chez Sulzer. Il connut d'autres
entreprises : l'Alsthom à Saint-Ouen où il fut
renvoyé au bout de dix jours, chez Lebaudy et de nouveau chez
Renault où le 4 juillet 1934, il entra à l'atelier
214 (tôlerie carrosserie, Île Seguin, montage tourisme)
sous le nom d'un ami, Émile Forestier, ouvrier à Nantes.
Il fut licencié le 4 décembre 1934. Sous le
pseudonyme de Nemrod il avait pu, malgré la vigilance de la
police de la direction, organiser le Parti communiste dans
l'entreprise, avec l'aide de ses amis Le Corre et Gaston
François. Le 9 février 1934, il avait
défilé à la tête d'un cortège
d'ouvriers de chez Renault de la place de la République à
la gare de l'Est et pris la parole grimpé sur un bec de gaz, il
fut arrêté puis relâché. Après son
renvoi, Arthur Dallidet s'inscrivit au chômage, mangea à
la soupe populaire et organisa les chômeurs tout en dirigeant, de
l'extérieur, le Parti communiste chez Renault. Il était
un des secrétaires de la section communiste locale. Responsable
du journal syndical de l'Ile Seguin L'Ile du Diable, il fit face aux
dépenses en éditant une photo-caricature du
« P'tit Louis » (Louis Renault) qui connut un
grand succès. Il était aussi au bureau régional de
Paris Ouest Sec PC et au conseil syndical de la
Fédération unitaire des métaux.
Remarqué par la
direction du Parti communiste, Arthur Dallidet fut
désigné pour suivre les cours de l'École
léniniste de Moscou. Selon le témoignage de son
frère Raymond, il partit en septembre 1935, le
« coeur gros » d'abandonner son travail militant
chez Renault. Revenu à Paris en octobre 1936, le Comité
central le nomma permanent à la section des cadres, adjoint de
Maurice Tréand. Ce dernier portait, en juin 1938, un jugement
élogieux sur A. Dallidet : « Responsable du
travail des cadres en général et des autobiographies.
Travaille bien, très sûr, consciencieux. C'est l'homme des
cadres qui a compris toute l'importance de son travail, il
éduque bien les deux camarades travaillant avec lui sous son
contrôle Fait preuve d'initiative, a un flair très
grand ». Tréand ajoutait qu'il venait de quitter sa
femme bessarabienne (remarque : il veut dire sans doute lithuanienne)
car il avait peur que cela puisse nuire au Parti. Il semble avoir
regretté de ne pas avoir été autorisé
à s'engager dans les Brigades internationales. Son travail, par
nature discret et obscur, n'a pas laissé de trace mais il lui
fit jouer un rôle fondamental pour l'avenir du Parti communiste
de l'été 1939 au début de l'année 1942.
Sa réforme lui
permit de rester à la disposition du Parti communiste interdit
le 26 septembre 1939 et dont il partageait l'approbation du Pacte
germano-soviétique. Avec Benoît Frachon, il mit en place
les premières structures illégales, occupant en fait le
poste de secrétaire (clandestin) à l'organisation. Les
précieux fichiers de cadres qu'il avait établis pendant
les années précédentes et mis à l'abri, lui
permirent de réorganiser un parti touché par les
arrestations, la mobilisation et le départ des militants
hostiles au Pacte. « Émile » -- son nom
dans l'illégalité -- prit, le 12 juin 1940, la route
de l'exode avec Jeanjean, Georgette Cadras, Jeannette Têtard et
Claudine Chomat. Raymond Dallidet affirme que son frère alla
rejoindre Benoît Frachon en Haute-Vienne puis s'installa à
Toulouse et rayonna en vélo dans la région pour renouer
les contacts. Revenu à Paris vers le 3 août, il fut
un des interlocuteurs de Charles Tillon convoqué dans la
capitale pour la constitution d'un secrétariat clandestin.
Pendant toute l'année 1941, Émile resta aux
côtés de Benoît Frachon et de Jacques Duclos,
supervisa les liaisons avec les autres dirigeants et rédigea la
brochure Comment se défendre. La police l'arrêta le
28 février 1942, à l'angle du boulevard Diderot et
de la rue de Reuilly, à l'issue d'une série de filatures.
Par lui, la Gestapo pensait pouvoir remonter au secrétariat du
Parti. Jacques Duclos écrivit dans ses Mémoires :
« Lorsqu'il fut arrêté, moi qui lui
transmettais les directives de la direction du Parti, je ne changeai
pas de logement, alors que Dallidet le connaissait. J'étais
sûr qu'il ne parlerait pas » (p. 241). Ses
tortionnaires n'obtinrent de lui aucun renseignement. Il fut
fusillé le 30 mai (ou le 23 selon les sources) 1942 aux
côtés de Félix Cadras, Georges Politzer, Jacques
Solomon, André Pican et Jacques Decour. Son corps fut
enterré au cimetière de Colombes le 31 mai 1946 en
présence de Maurice Thorez, Jacques Duclos, André Marty,
Benoît Frachon, Marcel Cachin et Laurent Casanova. Voir les
biographies de Mounette Dutilleul, sa compagne pendant la
clandestinité et de Léon Dallidet (dit Raymond), son
frère.
SOURCES :
Arch. Usines Renault, consultées par J.-P. Depretto. --
L'Humanité, 30 mai 1945, 28 mai 1948. --
« Arthur Dallidet, l'ancien ouvrier de Renault, héros
communiste de la Résistance », Cahiers de l'Institut
Maurice Thorez, n° 15, 3e trimestre 1969 ;
« Les fusillés de mai », n° 27,
mai-juillet 1972. -- Jean-Pierre Depretto, Les communistes et les
usines Renault, Mémoire de Maîtrise, op. cit. -- Pierre
Daix, J'ai cru au matin, Paris, 1976. -- Charles Tillon, On chantait
rouge, Paris, 1977. -- Jacques Duclos, Mémoires, t. 3. --
Hélène Parmelin, Arthur Dallidet (brochure non exempte
d'erreurs), Paris, Éditions sociales, 1re édition
décembre 1949. -- Témoignage écrit et oral de
Raymond Dallidet, son frère. Archives du Komintern, CRCEDHC,
Moscou 495 270 8376. Questionnaire à l'entrée en
URSS : 1 10 1935 (+document en russe du 1/10) ;
autobiographie du 25/12/1933 ; Commission des cadres
(Tréand, juin 1938).
ICONOGRAPHIE :
Alain Guérin, La Résistance, chronique illustrée,
1930-1950, Paris, 1972-1976, tome 5, p. 168-181 et 336.
J. Maitron et Cl. Pennetier
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